Par: Gad Abed
J’ai perdu tout sens du raisonnement. Mes folies ont pris le pouvoir. Nous sommes à la gare de Casa-Oasis. Je lui dis qu’on pourrait trouver deux tickets pour le vol vers Ouarzazate.
Il y avait encore un train pour l’aéroport Mohammed V. Quitte ou double ! Folle qu’elle était, elle a dit : Oui ! Nous voilà, quelques minutes après sur les rails. Moins d’une demi-heure, nous sommes à l’aéroport..! Elle rigolait en me tenant par les yeux. Je rigolais en tenant sa main droite. Nous frissonnons. Intensément. Les mots ne servaient plus. Nous voilà devant un destin qu’on ne soupçonnait point. Nous sommes arrivés à quelques minutes du vol. Nous étions en train de voler le temps au Temps. Tout s’est vite passé. Comme un éclair. Elle me dit: sais-tu où on va crécher..? J’ai répondu : Non.
Je pensais à ce trajet Casa-Essaouira. Aller simple ! Je revins. J’adore le passé simple. Je parle de conjugaison !
Quitte à passer la nuit dans l’aéroport ! Comme dans un film. Pas forcément Terminal..!
Les palmiers nous attendaient. Le reste, on s’en foutait. Impérialement.
De loin, de l’autre côté de l’Atlantique, elle repoussait mes frontières. Je pensais aux pluies sous le ciel de la capitale. Je pensais aux inondations de Casablanca. Je pensais à l’humain en nous. Je pensais à ces moments impossibles à la gare de Rabat-Agdal.
Je pensais aux attentats. A ces nuits passées dans les rues de Casablanca. On était à deux doigts d’être morts. La vie se passait dans sa voiture. On n’y pensait même pas. Nos week-ends étaient la vie.
On se touchait à peine. Elle riait. Le jardin de la gare, que Dieu ait son âme, en était témoin. Ne me parle pas de ton café. Je ne te parlerais pas de mes verres. C’était au temps où le temps donnait du sens aux instants. Le chameau est une autre histoire. Tes gâteaux, une autre encore. Un jour viendra où je racontererais nos récits improbables.
La Vie nous fait beaucoup de cadeaux. Encore faut-il savoir les recevoir !
J’entends ses lèvres sur les miennes.
Silence !
Elle me tue.
*Écrivain