Genève – le12

Reconnues depuis longtemps comme étant un sujet crucial pour le commerce et le développement durable, les subventions à la pêche représentent un enjeu majeur au niveau international dans l’optique de parvenir à un accord dans le cadre de l’organisation mondiale du commerce (OMC), où les négociations dans ce domaine durent depuis vingt ans, alors que la date butoir fixée par l’ONU est dépassée depuis janvier.
Lancées en 2001 à Doha, les négociations sur les subventions à la pêche au sein de l’OMC, ont été relancées en 2015 avec l’adoption des Objectifs de développement durable de l’ONU, qui fixent à 2020 le délai – non contraignant – pour supprimer les subventions qui contribuent à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) et pour interdire certaines formes de subvention à la pêche qui participent de la surcapacité et à la surpêche, tout en stipulant un traitement spécial et différencié pour les pays en développement et les moins avancés.
Le groupe de négociation sur les règles de l’OMC avait lancé un nouveau round de discussions en février sur les subventions à la pêche.
La nouvelle directrice générale, Ngozi Okonjo-Iweala, a salué cette semaine l’appel de la société civile en faveur de l’aboutissement des négociations sur les subventions à la pêche, représenté par une sculpture en glace sous forme de poisson installée par un groupe d’organisations non gouvernementales (ONG) devant le siège de l’OMC le 1er mars.
Lorsqu’elle a été choisie comme Directrice générale par le Conseil général de l’OMC, le 15 février, Mme Okonjo-Iweala avait souligné l’importance de ces négociations, soulignant qu’il était temps pour les membres de l’OMC d’identifier les zones de débarquement appropriées et de conclure un accord au profit des stocks de poissons mondiaux ainsi que pour le fonctionnement de l’organisation dans l’élaboration de nouvelles règles importantes pour les générations actuelles et futures.
Pour le président des négociations, l’ambassadeur Santiago Wills (Colombie), les Membres ne devaient pas gaspiller l’élan actuel des négociations et devraient bientôt combler les lacunes de leurs positions respectives.
Conformément au mandat de la 11e Conférence ministérielle de l’OMC et de l’objectif 14.6 des objectifs de développement durable des Nations Unies, les membres de l’OMC ont été chargés de parvenir à un accord sur des règles afin d’éliminer les subventions pour la pêche illégale, non déclarée et non réglementée et d’interdire certaines formes de subventions à la pêche qui contribuent à la surcapacité et à la surpêche, le traitement spécial et différencié faisant partie intégrante des négociations.
D’après une étude de Ussif Rashid Sumaila de l’Université britannique de la Colombie, les subventions à la pêche dans le monde se situaient, en 2018, autour de 35,4 milliards de dollars, dont 22 milliards sont considérés comme responsables de la hausse de la capacité des flottes de pêche.
De son côté, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) n’a eu de cesse d’attirer la sonnette d’alarme sur la surpêche, relevant qu’un tiers des stocks de pêches commerciaux étaient capturés en 2017 à des niveaux biologiquement non viables.
La production mondiale de la pêche de capture a, elle, atteint un niveau record de 96,4 millions de tonnes en 2018 – soit une augmentation de 5,4% par rapport à la moyenne des trois années précédentes.
Cette hausse est principalement due à la pêche de capture marine, dont les sept premiers pays producteurs (Chine, Indonésie, Pérou, Inde, Russie, Etats-Unis et Vietnam) représentent près de la moitié des captures totales.
A l’OMC, les négociations achoppent, après des années de discussions, sur la question de savoir s’il existe de mauvaises et de bonnes subventions.
Alors que l’Europe et plusieurs pays réclament une élimination des subventions à l’exception des aides dont l’effet est jugé positif, d’autres considèrent, au contraire, que toute aide est par nature mauvaise, et donc à éliminer, tandis que certains demandent que les subventions soient plafonnées.
Un des principaux axes des discussions reste également le traitement réservé aux pays en développement et aux pays les plus pauvres.
Intervenant lors d’une réunion du Comité des négociations commerciales de l’OMC en préparation du prochain Conseil général de l’institution, l’ambassadeur représentant permanent du Maroc à Genève, Omar Zniber, a plaidé en faveur d’un traitement spécial et différencié (TSD) au profit des pays en développement dans le cadre de tout accord issu des négociations.
La délégation marocaine a réitéré l’impératif pour les Membres d’achever les négociations sur les subventions à la pêche avec la volonté de faire des compromis, afin de confirmer la pertinence des négociations multilatérales pour les communautés extérieures observant les travaux de l’OMC.
Le Maroc reste déterminé à conclure ces négociations conformément à l’ODD 14.6, a poursuivi l’ambassadeur. Tout en soulignant l’importance de ces négociations et la nécessité de parvenir à un accord, il a estimé que le processus semble avoir besoin de plus de pragmatisme et de volonté politique afin de surmonter le clivage actuel entre les approches des pays développés et des pays en développement.
Il a souligné que les règles doivent couvrir tous les piliers du mandat, cibler la pêche industrielle à grande échelle et ne pas limiter l’utilisation de subventions bénéfiques qui peuvent contribuer à la durabilité des stocks de poissons, sauvegarder la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des communautés côtières en leur gardant l’espace politique nécessaire pour développer leurs ressources marines tout en répondant aux besoins de durabilité.
Par conséquent, “le traitement spécial et différencié devait faire partie intégrante du résultat des négociations en cours sur les subventions aux pêcheries”, a-t-il insisté, précisant que le Maroc continuera de travailler de manière constructive pour parvenir à un résultat équilibré conformément au mandat des négociations.
Quant aux ONGs, elles insistent sur l’impératif de parvenir d’urgence à un accord, qui serait dans tous les cas favorable aux petits pêcheurs des pays pauvres.