Rabat: Le12.ma

Le phénomène de fraude aux examens scolaires revient chaque année sur le devant de la scène éducative et domine les débats avec pour objectif de mieux comprendre les causes de cette pratique malsaine et les techniques utilisées de manière intelligente et habile.

Malgré les campagnes de sensibilisation et le renforcement des sanctions disciplinaires en vue de combattre ce phénomène, plusieurs élèves ont une propension à tricher lors des examens.

Dans un entretien à la MAP, l’enseignant de psychologie à la faculté des lettres et des sciences humaines Aïn Chock à l’Université Hassan II de Casablanca, Ahmed Riyadi, présente une vision approfondie sur les dimensions psychologiques de la fraude et ses ramifications.

Peut-on parler des motivations psychologiques pour le phénomène de fraude lors des examens ?

Le débat sur la fraude aux examens scolaires nous interpelle à poser une série de questions de fond sur l’environnement dans lequel ce phénomène est susceptible de se propager et je parle à juste titre de l’environnement scolaire qui est étroitement lié à la société, car la fraude reflète une mutation sociale dans laquelle plusieurs facteurs et circonstances ont contribué et cette réalité nécessite un voyage cognitif afin de rechercher des indices permettant de bien comprendre la situation actuelle.

En effet, l’étude de ce phénomène interpelle tous les acteurs concernés, car le fait de plancher sur la question de la triche aux examens soulève une série de questions afin de mieux comprendre les raisons qui poussent les élèves à tricher lors des examens, si la fraude est liée à l’environnement scolaire et si ce phénomène incarne des valeurs en phase d’effondrement ou bien s’agit-il d’une traduction de souhaits psychologiques et de besoins sociaux ?

La psychologie est basée sur l’étude du comportement afin de définir les causes qui ont produit tel comportement, faire un diagnostic et classifier ce comportement pour comprendre s’il s’agit d’une maladie induite par plusieurs facteurs ou bien d’un comportement social en phase avec la vie en société.

Pourquoi la fraude aux examens a tendance à se propager malgré les nombreuses tentatives visant à réduire cette pratique?

Pour bien comprendre les raisons et les motifs qui poussent les élèves à la triche lors des examens, il faut d’abord souligner que l’école est l’une des institutions sociales les plus importantes après la structure familiale et son effondrement conduit à la propagation du problème de la désintégration sociale au sein des élèves. Cette situation traduit une certaine difficulté à assurer l’enseignement en l’absence de mécanismes de communication, de contrôle pédagogique et de programmes qui n’accompagnent pas les mutations sociétales.

Ce facteur justifie certaines visions et perceptions sociales qui encouragent les élèves à pratiquer des actes déviants comme la violation des lois régissant le milieu scolaire, le non-respect du système scolaire par la violence, la dégradation des installations de l’établissement scolaire, le non-respect des élèves aux enseignants et le manque d’assiduité scolaire, autant de facteurs qui génèrent un sentiment de manque d’appartenance au milieu scolaire.

Cette situation pourrait donner l’impression qu’il s’agit d’un sentiment sociétal à identité sociale déchirée qui représente des expériences personnelles marquées par beaucoup de mal et un peu d’espoir, ce qui conduit à pratiquer toutes les formes de fraude lors des examens où la triche devient un phénomène concret comme si la situation était normale, alors que ce n’est pas le cas.

Donc, la fraude aux examens est une pratique malsaine et un comportement déviant auxquels contribuent moult facteurs, notamment la socialisation de l’élève, qui suppose les questions de l’ego, l’autre, le souhait, l’ambition, les besoins de réalisation de soi, l’échec et les traumatismes psychologiques à la lumière de nombreuses contraintes sociales, ce qui conduit au manque d’assiduité et à l’incapacité de réaliser de bons résultats en classe.

Les choses deviennent plus complexes lorsque la direction de l’école met en place certains mécanismes pour traiter ce genre de situation, car au lieu de faire face à ces actes déviants en utilisant des méthodes faciles, la direction de l’établissement scolaire contribue à la persistance de ces pratiques malsaines, et l’élève estime qu’il est seul concerné par son comportement au sein de la société, c’est pourquoi la fraude, dans un sens, revêt plusieurs significations qui se manifestent dans le conflit qui conduit à l’effondrement des valeurs sociales, de même que la recherche de soi par les élèves se fait avec des méthodes contraires à la morale d’où l’intérêt de poser la question sur la gestion de la situation interne des établissements scolaires et sur la fonction de l’école lors de la socialisation au sein de la famille et de la société, sans omettre l’aspect le plus important de l’équation, à savoir le manque d’attention à la structure psychologique des élèves dans les établissements scolaires à travers la présence de psychologues spécialisés.

Quels sont les moyens les plus efficaces pour combattre le phénomène de la fraude ?

La non-application des mesures disciplinaires contribue à l’effondrement des normes sociales vidant ainsi ces sanctions de leur contenu et rend inutile les règles encadrant l’action éducative et le recours à la triche aux yeux des élèves devient une tentative de réussite, en arguant de la difficulté des examens et des programmes scolaires.

Aussi, en l’absence de moyens légitimes, les mécanismes de réussite disparaissent et les règles de l’éthique dans le système éducatif sont violées, ce qui fait que certains encouragent excessivement leur enfant à réussir sans se soumettre à ces moyens légitimes, et par conséquent l’élève devient lui-même un moyen de déviation.

Le souhait de réussir incite également nombre d’élèves à faire usage de certaines techniques pour tricher lors des examens en utilisant des moyens violents voire se venger contre l’enseignant qui empêche l’élève de pratiquer la fraude, et donc le recours à la violence pour tricher constitue une lutte qui habite l’élève pour réaliser son souhait nonobstant la nature des moyens utilisés.

De manière générale, les pratiques déviantes lors des examens scolaires sont liées à l’effondrement des moyens de contrôle social, ce qui soulève la question du modèle, surtout que le comportement de l’élève constitue un miroir reflétant les règles du milieu dans lequel l’enfant a grandi.

En conséquence, la fraude est un problème psychologique et social auquel plusieurs facteurs contribuent à se propager, de même que l’absence de volonté d’exercer le métier d’enseignant et le défaut d’une bonne formation académique, professionnelle et culturelle contribuent à la baisse des résultats scolaires, ce qui constitue un facteur qui pousse certains élèves à pratiquer la fraude qui constitue une maladie sociale, selon le sociologue français, Gustave Le Bon.