Paris .Par Dr. Bouchra Rajidy-Bayad

Au bal des amoureux Telle était la phrase joliment graphitée, terminant la délicieuse invitation et signée d’une main maternelle gantée d’une rhétorique inégalée : Mme de Sévigné.

Appréhension et frissons me submergèrent tantôt remplacés par l’interrogation existentielle de la gente féminine : « Que vais-je devoir mettre pour la circonstance ? » Un simple ruban autour de la taille affublé d’un cœur de mauvais goût, suranné et je traçai ma route.

Sans être assistée par le fameux « il était une fois » je pressentis que le moment était passionnément aliéné et que la raison est exilée ailleurs. Au sein de cette orgie sentimentale, l’atmosphère alourdie par tant de soupirs, de gémissements et de plaintes lyriques, j’essayai de me frayer un chemin sillonnant entre des cœurs ensanglantés, des âmes écorchées et des corps qui dépérissaient languis par l’attente de l’être cher.

« Va, je ne te hais point ! » dit une douce créature face à moi, la belle Chimène s’adressant avec une sévérité amoureuse à Rodrigue qui, l’épée à la main, tentait d’abréger ses souffrances sous les vieux hurlements paternels de Don Diègue.

La compassion me souleva le cœur et je me vis fuir devant tant de douleurs contagieuses lorsque je marchai imprudemment sur un flacon à moitié vide, chu des mains empruntes d’arsenic d’une dame qui laissa, en me regardant, échapper un râle de moribond : Emma Bovary avait fait son choix, celui de quitter ce bas monde où sa raison de vivre lui a fait perdre la raison. Malheureuse amoureuse bernée par les mirages de l’éloquence, aveuglée par une passion qui ne trouvait pas écho auprès de celui que son cœur a choisi. Une oraison funèbre fut prononcée par un mari dépité renonçant à réanimer sa défunte moitié.

Les portes claquèrent en s’ouvrant solennellement laissant des couples royaux faire leur apparition : Les rois de leur posture majestueuse et les reines de leur amour déchiré. Le roi Arthur tenait la main à sa Guenièvre pendant que son cœur et ses yeux ne suivaient que son Lancelot, Ménélas suffoquait Hélène de sa jalousie oubliant que l’âme de sa belle est partie avec Pâris. Bérénice, digne dans sa douleur ne cessait d’argumenter sa passion à un Titus à ses lamentations sourd car aveuglé par le devoir. Le roi Marc quant à lui, traînait Iseut devant une assemblée médusée alors que son cou à elle se tordait admirant son Tristan… Triste situation que ces amours singulières !

Les airs d’une sérénade m’attirèrent vers l’extérieur où je vis un homme aux attraits particuliers dont le visage supportait péniblement un nez à la taille démesurée. Sa laideur s’effaça subitement au moment où je l’entendis, lui Cyrano, crier à sa Roxane : « D’ailleurs vos mots à vous descendent : ils vont plus vite, Les miens montent, Madame : il leur faut plus de temps ! »

Un jeune italien qu’une jolie Juliette appelait Roméo peinait à escalader un mur sur des « ailes légères de l’amour » croyant que « les limites de pierre ne sauraient arrêter l’amour » il a juste oublié que ce dernier saura arrêter leurs fraiches existences………❤️

*Bouchra Rajidy-Bayad

Docteure es Lettres et Littérature françaises