Le populaire ministre français de l’Education Gabriel Attal est devenu mardi à 34 ans le plus jeune chef du gouvernement de l’histoire de la République française, à l’issue d’un remaniement ministériel censé donner un nouveau souffle à la présidence d’Emmanuel Macron.

D’abord espérée lundi soir, cette nomination, officialisée par l’Elysée, a mis de très longues heures à intervenir. Un délai qui a alimenté les spéculations sur de possibles résistances internes – notamment des poids lourds du gouvernement Gérald Darmanin (Intérieur) et Bruno Le Maire (Economie), démenties par les intéressés.

A trois ans de la fin de son second mandat, le chef de l’Etat se trouve dans une situation délicate face à la percée continue de l’extrême droite dans le pays et en l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Depuis sa réélection en 2022, Macron est aussi confronté à un mécontentement croissant qui s’est manifesté lors de l’adoption de la réforme des retraites, et plus récemment d’une loi très controversée sur l’immigration.

Décrit comme « bon élève« , ou encore comme « la meilleure incarnation de l’ADN macroniste« , Gabriel Attal, entré au gouvernement en 2017 et qui a connu une ascension spectaculaire, s’est finalement imposé à la surprise générale pour succéder à Elisabeth Borne à Matignon, après la démission de cette dernière lundi en fin d’après-midi.

Macroniste de la première heure, le nouveau Premier ministre, était devenu la personnalité la plus populaire du gouvernement et de la majorité, convainquant un Français sur deux, alors que plus d’un tiers d’entre eux réclamaient sa nomination à Matignon dans une récente étude.

Equilibre précaire

Il l’emporte ainsi sur deux personnalités présentées ces derniers jours comme les favoris : le technocrate et ancien ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, 43 ans, dans l’ombre du président depuis 10 ans, et Sébastien Lecornu, 37 ans, actuel ministre des Armées issu de la droite.

En France, le président fixe en principe les grandes orientations du quinquennat, tandis que son Premier ministre, responsable de la mise en oeuvre du programme et de la gestion quotidienne du gouvernement, paie généralement les pots cassés en cas de turbulences.

Après des jours de suspense et des rumeurs persistantes sur un départ imminent, Elisabeth Borne, 62 ans, a finalement dû quitter son poste. Donnée plusieurs fois partante durant ses 20 mois passés à Matignon, elle avait démontré sa résilience en réussissant à faire passer des lois difficiles et en surmontant près d’une trentaine de motions de censure à l’Assemblée.

Le choix de son successeur est loin d’être neutre pour maintenir l’équilibre précaire du camp présidentiel, mis à mal dernièrement par les divisions sur la loi immigration. Si le patron des députés du parti au pouvoir Renaissance, Sylvain Maillard, a assuré sur la chaîne LCI que ses troupes « travailleront en toute loyauté » avec le prochain Premier ministre, en coulisses, beaucoup redoutent un nouveau coup de barre à droite.

Après deux mandats, Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter en 2027 et un enjeu crucial sera d’empêcher la figure de proue de l’extrême droite, Marine Le Pen, d’accéder à la présidence.

« Briseur de code »

Pour le constitutionnaliste Benjamin Morel, le choix de cette personnalité symbolise aussi une « stratégie très offensive en vue des élections européennes » de juin, où l’extrême droite est donnée gagnante en France.

Gabriel Attal incarne « la jeunesse, l’ambition, ça évoque un peu en toile de fond le Macron du départ, un briseur de code« , selon le politologue Bruno Cautrès, même si sa nomination « ne réglera pas le problème de la majorité« , ni celui du « cap principal du mandat ».

Lors de son passage au ministère du Budget, l’aisance médiatique de Gabriel Attal lui permet d’être l’un des rares ministres envoyés en première ligne pour défendre l’impopulaire réforme des retraites.

A la tête du prestigieux portefeuille de l’Education nationale depuis juillet 2023, le jeune ministre, omniprésent sature l’espace médiatique et séduit les populations âgées qui constituent le coeur de l’électorat macroniste avec ses prises de position en faveur de l’uniforme ou l’interdiction de l’abaya à l’école.

Gabriel Attal est le quatrième Premier ministre nommé depuis 2017 sous la présidence Macron, régulièrement accusé par ses détracteurs de concentrer les pouvoirs et faire de la micro-gestion.

« Attal retrouve son poste de porte-parole » du gouvernement, un poste qu’il avait également occupé lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, a ironisé Jean-Luc Mélenchon, le leader de la gauche radicale, sur X. « La fonction de Premier ministre disparaît. Le monarque présidentiel gouverne seul avec sa cour », a-t-il dénoncé.