Par -Pr Ahmed Rhassane El Adib
Le recours à la Chloroquine dans le cadre du protocole thérapeutique contre la Covid-19 divise les scientifiques.
Pour les praticiens favorables à son utilisation, l’hydroxychloroquine réduit la charge virale, la contagion, les conséquences inflammatoires et la durée des symptômes…
J’ai beaucoup hésité avant d’écrire cette publication, mais l’évolution des derniers jours et particulièrement des cas graves et des morts par la Covid-19, y compris chez une tranche de la population censée avoir plus de chance d’accéder à un traitement précoce, et la multiplication des sorties médiatiques (hors Fake news) remettant en question le protocole national, je me trouve dans le devoir éthique et moral, de donner mon avis sur une polémique dangereuse qui va avoir des retentissements importants pour l’avenir de la science, mais avec un très lourd tribu de vies humaines à court terme.
Sur le terrain, il est évident pour chaque praticien qui a « roulé sa bosse » avec la Covid que l’hydroxychloroquine (HCQ) est un médicament efficace et « safe » quand il est administré tôt. En l’occurrence, nous réanimateurs, confrontés aux malades les plus graves, avons toujours crié haut et fort que leur point commun est le retard thérapeutique.
– L’expérience sur le terrain est en faveur de l’hydroxychloroquine:
En effet, les malades ayant reçu l’HCQ précocement sont exceptionnels dans nos services. Notant aussi que nos chiffres de mortalité et de létalité sont largement au dessous des moyennes mondiales (1,7% au Maroc vs 3% dans le monde pour la létalité), je donne également à titre d’exemple la mortalité parmi les patients sévères, tous sous oxygène et chloroquine entre autres, admis à l’hôpital de campagne de soins intensifs du CHU de Marrakech, où la mortalité est inférieure à 5%, largement inférieure aux études internationales publiées sur les mêmes profils de malades (aux alentours de 25%).
Sur le plan des publications scientifiques, de multiples études expérimentales prouvent l’efficacité in vitro de l’HCQ, et de multiples études cliniques observationnelles ont montré que l’HCQ réduit la charge virale, la contagion, la durée des symptômes, le taux d’admission en réanimation et la mortalité, les conséquences inflammatoires et impacte positivement la coagulation…
D’autres études ont montré que l’HCQ protège les malades sous traitement à long terme (exemple du Lupus) et les professionnels de santé exposés.
Toutefois, certains scientifiques mènent pour des raisons multiples une guerre à l’hydroxychloroquine.
Les plus honnêtes d’entre eux, s’appuient sur une critique extrémiste de la méthodologie, manquent d’expertise sur les aspects éthiques et surtout manquent de recul et de vision clinique, puisqu’ils ne voient pas et ne traitent pas les malades. Ils ne font que lire des papiers et des chiffres dans leurs bureaux, en s’accrochant à des normes méthodologiques, certes relativement légitimes et que je ne leur reproche pas, mais ne connaissent rien à la pratique clinique et encore moins à la réanimation des patients atteints de la Covid-19, notamment les différents critères de gravité et nuances de sévérité des patients: scores de gravité cliniques et biologiques, moyens d’oxygénation et de ventilation, rapport PaO2/FiO2, et la liste est longue…
Si je ne prends et ne tiens compte que des dernières publications « randomisées » interprétées négatives, Recovery et Solidarity:
1 – elles n’apportent rien de nouveau par rapport aux études observationnelles concernant l’efficacité chez les malades graves (notons que la gravité est précisée dans Solidarity, mais l’est moins dans la nouvelle version de Recovery).
C’est un résultat tout à fait normal pour un traitement à visée antivirale, puisque le recrutement concerne des patients hospitalisés qui ont tous dépassé la phase virale voire même la phase inflammatoire.. Ce qui induit une perte du bénéfice du traitement et une exposition aux effets secondaires.
2- concernant les effets secondaires, ces études ont l’énorme mérite de prouver que l’HCQ est « safe », comme connu depuis plus de 70 ans (contrairement aux études retirées, trafiquées pour la discréditer) et sécuritaire chez une population de malades sévères.
Mieux dans Recovery il n’y a pas d’effets cardiaques marqués avec une forte dose (800 mg /6 h, deux fois puis 400 mg /12h soit 2000 mg les 1ères 24 h). Les autres effets sont tous mineurs et parfaitement gérables avec des traitements symptomatiques: apports adéquats et surveillance chez le diabétique, IPP, probiotiques…
3- ces deux études ne sont pas indemnes de conflits d’intérêt majeurs, que je ne vais pas aborder maintenant, quoique les enjeux financiers et politiques sont des éléments très importants à prendre en compte par tout scientifique aguerri qui se respecte.
– Le traitement précoce réduit la mortalité.
Donc, restons concentrés sur le traitement précoce, pendant la phase virale et au début de l’inflammation.
Une phase où, je le répète, de multitudes d’études ont montré l’efficacité du traitement, variant entre 30 et 60% de réduction de mortalité selon les publications et le type de patients recrutés.
Même si ces études ne sont pas randomisées, elles sont valables, puissantes statistiquement et surtout crédibles.
La toute dernière est une nouvelle étude espagnole très récente, comparant plusieurs molécules (Tocilizumab, Glucocorticoïdes, Lopinavir/ Ritonavir, Hydroxychloroquine, Cyclosporine).
Elle donne un résultat extrêmement important, qui n’a même pas été noté par les auteurs dans leur discussion, sur l’efficacité phénoménale de l’HCQ quand elle a été administrée avant l’admission à l’hôpital.
L’étude a retrouvé 3% de mortalité seulement dans le groupe ayant reçu l’HCQ avant l’admission, soit une mortalité divisée par 4 à 5 par rapport au traitement retrouvé le plus efficace dans cette série (14% pour Cyclosporine).
En conclusion, l’HCQ n’est pas chère, confirmée « safe », réduit les hospitalisations notamment en Réanimation et sauve énormément de vies si elle est administrée précocement.
Son administration pourrait être discutable chez des patients asymptomatiques ou même pauci-symptomatiques, sans facteurs de risque d’aggravation et non-contagieux.
C’est pour cela que je défends la réduction des CT (Seuil d’amplification de l’ARN virale de la RT-PCR) pour les RT-PCR et surtout switcher vers les prélèvements salivaires chez les asymptomatiques pour ne détecter que les contagieux.
Mais pour tout patient symptomatique, la prise en charge doit être optimale avec un traitement précoce, à la carte, en fonction du risque et du stade de la maladie, mais incluant obligatoirement le couple HCQ-AZT, en l’entourant des conditions de déclaration, d’accessibilité dans tous les secteurs, de sécurité (même si le traitement doit être démarré vite en probabiliste, quitte à faire la confirmation, le bilan et l’ECG secondairement dans les 48-72 h après) et enfin assurer un bon suivi des malades même téléphonique.
Professeur en anesthésie-réanimation au CHU Mohammed VI de Marrakech