Rabat –le12

Ceci n’est pas une règle générale, mais bel et bien des exceptions. Récemment, l’on constate le foisonnement de “lives” sur des Médias sociaux, où des personnages “moliéresques” qui s’autoproclament “influenceurs” parfois “stars” ne cessent de partager des contenus, pour le moins délinquants, incitant, par là même, à la bassesse et à la violence.
Il y en a même ceux qui s’imaginent, par la force d’une absurdité plus absurde que celle de Camus, dans un ring face au champion du monde dans la catégorie poids lourds de la Glory World Series, Rico Verhoeven ! Peut-être dans leurs rêves les plus profonds.
Au moment où des médias s’efforcent à offrir une information fiable et vérifiée traitant des vraies problématiques et des questions relatives aux intérêts suprêmes du pays, et alors que des “influenceurs” dignes de ce qualificatif leur emboîtent le pas en mettant à la disposition de leurs abonnés un contenu instructif, d’autres “profils intrus” ont trouvé un raccourci, un secret de Polichinelle…
Un groupe de personnes, dont les noms, les prénoms et parfois même les CV sont parfaitement connus chez une certaine communauté, se passent des appels en vidéos lives pour aborder des sujets d’une bassesse inégalable.
Filles, garçons, jeunes et moins jeunes, ils ont, entre autres, profité de la période du confinement, où la plupart de personnes étaient en télétravail pour s’infiltrer, comme du poison, dans leurs domiciles.
Cette histoire a pris naissance avec des figures suivies par des milliers, qui, ironie du sort, deviendront des millions d’abonnés. Leur recette magique… s’attarder sur des thématiques, où l’irrespect et l’obscénité, aussi bien dans le gestuel que dans le verbal, demeurent le maître-mot. Quelques sorties médiatiques leur ont, cependant, permis de “gagner en notoriété”, avant qu’ils ne fassent d’Instagram et Tik Tok, le plus souvent, leur fief.
A ce propos, l’anthropologue à l’Université Moulay Ismail de Meknès, Mouna Khalid, affirme que si certains ont accédé au statut d’influenceur grâce à leur notoriété dans leurs propres métiers (artistes, écrivains, sportifs etc.), d’autres en ont fait un job qui n’est basé sur aucune compétence académique.
N’ayant plus la possibilité de s’afficher dans des endroits qui étaient jadis les leur (soirées, hôtels…) à cause de/grâce à la propagation de la Covid-19, ces personnages ont changé de formule : passer des appels très longs sur Instagram, où l’éthique, le respect, la déontologie… et tous les codes, us et coutumes n’ont plus le moindre sens. Ainsi, les interlocuteurs changent, les visages et les sujets demeurent les mêmes. Il y en a même des “bavardages”, titrés “rencontre choc”, ou “conversation qu’attend tout le monde”…
Des scènes vont parfois même jusqu’à se dérouler à l’intérieur des maisons et avec la participation des membres de la famille.
“Il y a ainsi une mise en scène qui se fait par ces personnes au quotidien. Elles inventent des polémiques et participent à d’autres. Pour elles, ce n’est pas la fiabilité du contenu qui va faire la différence, mais le nombre de vues”, explique M. Mouna Khalid dans une déclaration à la MAP.
Cette mise en scène, poursuit-il, passe par des formes de théâtralisation où les seuls scenarii sont: insultes et gros mots, le but optimal étant de réussir à attirer un grand nombre de likes et de vues.
“L’ambition fait mourir son maître”. Ce proverbe décrit parfaitement la situation d’un personnage qui dit “vouloir prendre la revanche (venger) de tous les Marocains battus par l’ogre Rico Verhoeven !” Par la force d’une mythomanie excessive pour ne pas dire maladive et dont les générateurs ne sont autres que le Buzz et l’argent, il va jouer le jeu jusqu’au bout. Et comme il est plus facile de dire que de faire, une multitude de jeunes vont le rejoindre, donnant naissance à une infinité de défis et de champions qui n’auraient jamais visité une salle de sport.
Un autre personnage a, quant à lui, choisi de se livrer à des combats de rue sans merci et pour ce même Buzz, il met en scène une succession de scènes d’une violence inouïe. Se croit-il le nouveau Jean-Claude Van Damme? Le temps sera à même de répondre.
“Au Maroc et pour une raison sans raison, nous avons pour le moment des personnages se donnant en spectacle dans des joutes oratoires qui ne sont en réalité que le reflet du machisme et de misogynie”, regrette M. Mouna Khalid.
Les jeunes et les enfants sont les plus vulnérables et représentent, à bien des égards, la clientèle d’aujourd’hui et de demain, souligne-t-il.
“Il n’y a qu’à voir le nombre de chaînes YouTube d’enfants, parfois poussés par leurs parents qui cherchent à en faire des célébrités, pour comprendre les lois régissant désormais la toile pour ces communauté”, remarque-t-il, tout en mettant en garde contre “ce vrai danger pour la formation de la personnalité de l’enfant”.
Les enfants ont, aujourd’hui plus que jamais, accès au téléphone portable et à la tablette à un jeune âge, déplore cet anthropologue.
“Il n y a aucun contrôle parental à ce niveau car donner un tel portable à ses enfants est devenu un moyen d’acheter la paix sociale”, fait-il savoir, notant que théoriquement, les parents vont tous dire qu’ils sont conscients et qu’ils essayent d’avoir un contrôle sur l’usage des réseaux sociaux et des téléphones mais, en réalité, ça les dépasse.
Tout ceci pour ainsi dire qu’il n’y a rien de négatif dans le changement, si c’est dans la bonne direction. Mais quand le moral cède sa place au matériel et que tout ce qui est ridicule remplace tout ce qui est consensuellement instructif, il faut stopper l’hémorragie, ou du moins essayer.