Hajar ERRAJI

 

La violence n’est pas l’apanage des mâles. Une réalité souvent occultée et parfois niée. Les hommes sont, eux aussi, victimes de violences conjugales infligées par leurs conjointes.

Au Maroc, 42% des hommes ont subi au moins un acte de violence, dont 31% sont victimes de violence perpétrée par la partenaire (épouse, ex épouse, fiancée ou amie intime), avait annoncé le Haut commissariat au plan (HCP).

Ils sont tabassés, humiliés, victimes d’actes de sorcellerie, de chantage économique ou sexuel, mais ils souffrent en silence et n’arrivent pas à parler ou à porter plainte, a affirmé le président de l’Association de défense des maris victimes de violences conjugales, Fouad El Hamzi.

Par honte d’évoquer un sujet tabou ou par culpabilité, l’homme battu, piégé par cette masculinité figée et imposée par la société, peut se taire longtemps et minimiser les violences physiques ou morales qu’il subit sans chercher de protection, a souligné ce militant qui tente, à travers son association, d’aider les hommes en situation de conflits conjugaux et familiaux, de violence conjugale et familiale ou de rupture difficile.

“Nous sommes encore dans une société traditionnelle dont le schéma est à sens unique. L’homme ne peut être que l’agresseur violent et la femme la victime opprimée”, a-t-il déclaré à la MAP.

De son côté, la sociologue Soumaya Naamane Guessous a confirmé que les hommes violentés ont toujours existé dans toutes les sociétés, “dont la nôtre, soit dans la ville ou au fin fond de la campagne”, indiquant que la société a connu plusieurs mutations qui ont fait que le tabou tenace a été brisé et que les femmes ont pris beaucoup de pouvoir au niveau du couple.

“La gente féminine a changé sa représentation du mariage et la conception de sa place au sein du couple. Qu’elles soient lettrées ou analphabètes, les femmes veulent vivre aujourd’hui d’une façon équitable dans une relation harmonieuse avec l’époux. Elles ne viennent plus au mariage tête baissée et soumise mais elles cherchent à établir des rapports ‘Win Win’ avec le mari”, a expliqué Mme Guessous.

L’homme marocain, “attaché à ses privilèges culturels, n’est pas encore prêt à ce changement”, ce qui crée une prédisposition au sein du couple à ce que le conflit éclate, a-t-elle déclaré à la MAP.

Et quand les conflits sont mal gérés, la personne, que ce soit l’homme ou la femme, peut devenir effectivement violente, a-t-elle enchaîné.

D’après Mme Guessouss, la relation époux/épouse, en pleine mutation, peut être tumultueuse quand le mari reste prisonnier de son éducation traditionnelle alors qu’il a fait le choix d’épouser une femme moderne.

Pour sa part, Nahed Rachad, coach spécialisée dans le couple, a fait savoir qu’en dehors des changements sociétaux, ils existent d’autres facteurs qui peuvent pousser la femme, “cette créature douce”, à devenir agressive.

Il s’agit notamment de son environnement familial et le comportement adopté par la ligne féminine de sa famille vis-à-vis du sexe masculin, a fait observer Mme Rachad, relevant que la femme peut hériter la violence et la pratiquer par la suite dans son couple.

Elle peut également l’emprunter de son entourage comme elle peut être elle-même victime d’une violence dans le passé, soit dans sa famille ou dans un premier mariage, ce qui la pousse à retracer le même chemin sans s’en rendre compte, a-t-elle fait remarquer.

Face à une telle partenaire, la coach recommande de se contrôler et de garder son calme, expliquant que l’agressivité est animée et alimentée par la violence alors que le calme est “capable de désarmer autrui sans pour autant tomber dans la peur”.

Il faut être en plein pouvoir de ses émotions, faire preuve de confiance et d’assertivité et tenter d’instaurer le dialogue, a insisté l’experte.

Au niveau juridique, Meryem El Idrissi, avocate au barreau de Casablanca, a assuré que tout homme ayant été victime de violences a le droit, à l’instar de la femme, de demander justice conformément aux dispositions de la loi en vigueur.

A première vue, la loi n° 103-13 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes semble, de par son nom, concerner exclusivement les femmes. “Sauf que non! La loi puni tout acte de violence quel que soit le sexe de la victime”, a déclaré l’avocate à la MAP.

Elle nous a appris que le Maroc s’est engagé depuis des années dans la lutte contre la violence conjugale, tout en renforçant l’égalité entre les deux sexes et l’autonomisation de la femme, l’un des Objectifs de développement durable, précisant que tous les articles complétant ou modifiant les dispositions du Code pénal en matière de violence conjugale s’adressent à quiconque, homme ou femme.

Plusieurs hommes ont, en effet, réussi à avoir la garde de leurs enfants et ont été indemnisés dans le cadre d’un divorce pour cause de discorde, car ils ont été victimes de violence de la part de leurs épouses, s’est félicité la juriste.

Du silence qui entourait la vie privée à la médiatisation d’aujourd’hui, la violence conjugale, notamment celle subie par les hommes, est devenue un fait reconnu.

La cellule familiale qui est, par vocation, un lieu d’amour et de protection de l’intimité peut devenir celui de la domination et de la violence commise dans le secret, protégé par la honte et le sentiment de culpabilité des victimes.

Les conséquences peuvent être désastreuses en présence, surtout, des enfants, susceptibles de reproduire la violence, seul modèle de communication qu’ils connaissent!