Fès -le12
En pleine crise de Covid19, le festival de la culture soufie de Fès a choisi la voie de la continuité, alors que les reports et les annulations des manifestations culturelles s’enchainent sous d’autres cieux.
Le festival, qui souffle cette année sa treizième bougie, accueillera son public en ligne, avec tout de même son habituel esprit de transmission des expressions de beauté et de profondeur de ce patrimoine culturel et spirituel.
Riche de ses multiples cérémonies soufies, ses tables-rondes, ses cafés littéraires, ses expositions, ainsi que ses masterclass, cette manifestation culturelle (17-26 octobre), constituera ‘’une sorte de réponse culturelle et créative à cette crise liée à la pandémie de Covid19’’, selon l’association éponyme.
Placé sous cette année sous le thème ‘’l’art de la transmission’’, cet évènement annuel demeure une redécouverte d’une culture aux riches et inépuisables dimensions spirituelle, intellectuelle et artistique.
Pour le Président du Festival, Faouzi Skali, cette ‘’édition nous invite à être à l’écoute de ces perles de sagesses et d’expérience humaine de ceux qui nous ont précédés, avant de les mettre à l’épreuve de nos propres expériences’’, ajoutant qu’elle tend à ‘’mobiliser pour cela les moyens technologiques de la transmission contemporains, non pas pour les ériger en instruments d’asservissement, mais pour les mettre au service de la transmission d’une culture de l’esprit’’.
Elle crée pour cela, explique-t-il, un nouvel espace qui sera ouvert par le Festival et qui se prolongera au-delà de celui-ci pour s’établir d’une façon permanente.
Une plateforme digitale intitulée ‘’Sufi Heritage’’ invitera les spiritualités du monde à rejoindre le festival dans cette entreprise commune pour réfléchir sur les moyens de résister à ‘’la globalisation d’une culture sans âme, qui n’épargne pas l’expression du religieux lui-même et peut conduire à une déshumanisation de plus en plus radicale’’.
‘’C’est peut-être la principale leçon qu’il nous faut tirer de cette crise : retrouver le sens et la saveur, à travers les magnifiques enseignements qui nous attendent, de ces nourritures humaines et spirituelles’’, estime-t-il.
Selon la directrice artistique du festival, Carole Latifa Ameer, l’art de la transmission est au cœur de la programmation de cette 13ème édition, en ce sens que le soufisme est par tradition la voie de la transmission, celle du maître à disciple, des valeurs morales et du secret spirituel (sirr), permis par une chaîne de transmission initiatique (silsila) remontant au Prophète Sidna Mohammed.
A l’heure de cette crise sanitaire majeure, la question de la transmission a surgi avec force, dit-elle, notant que le festival part à la rencontre de celles et ceux qui et gardent vivante cette culture, son patrimoine et ses valeurs.
De Fès à Konya en Turquie, de Grenade à Niamey, en passant par Lahore au Pakistan, Madagh ou Bejaâd, le public sera accueilli dans des centres spirituels historiques.
Cette manifestation, qui mobilisera plus d’une soixantaine d’intervenants, dont des chercheurs, des spécialistes, des écrivains, des comédiens, des plasticiens, des musiciens et des guides spirituels, prévoit une programmation riche et variée, dont des grandes soirées soufies ‘’sur les pas d’Ibn Arabi : de Murcie à Damas’’, ‘’des résonances de Rumi à travers le monde’’, des tables rondes axées sur les sagesses et spiritualités face aux enjeux politiques, des ‘’instants d’écoute’’ centrés sur la lecture des Sagesse de Joha.
Elle englobe aussi des expositions artistiques, dont ‘’vibrations spirituelles de Fès’’ et des soirées consacrées aux hauts lieux du soufisme, à travers le monde.
D’après les organisateurs, il ne s’agit pas en réalité d’un festival, dans le sens d’une manifestation de représentations et de spectateurs, mais d’un appel à une réflexion et à une médiation qui doivent se poursuivre au-delà de cet événement et à travers lesquelles il ne s’agit de rien de moins que d’esquisser les lignes d’un humanisme spirituel à venir.