Vienne – Par : Houcine MAIMOUNI
En plein cœur de Vienne, dans le 9ème arrondissement (19, rue Bergasse), un immeuble se fond allègrement dans l’environnement ambiant. Rien ne distingue la bâtisse blanc cassé si ce n’est une plaque : “Musée Sigmund Freud”.
Le musée, dont les travaux de rénovation ont été retardés par le Covid-19, a été inauguré dans sa nouvelle version, mercredi, en présence du président du gouvernement fédéral d’Autriche, Alexander Van der Bellen, et d’une importante délégation officielle, quoique en format réduit. Pandémie oblige !
A l’entrée, on sonne. Comme le faisaient, il y a cent ans, les patients du grand Professeur. Une fois le pas franchi, le visiteur sombre immédiatement dans une immersion à vif, comme emporté dans la pénombre d’un espace-temps d’un autre âge.
C’est ici que Freud a vécu. C’est ici qu’il a écrit et officié comme praticien pendant 47 ans, de 1891 à 1938, date à laquelle il était contraint de fuir avec sa famille le régime national-socialiste, suite à l’annexion de l’Autriche par le régime nazi.
Au fil de ces années, sa famille a vécu à différents étages. Mais c’est ici qu’il a écrit ses plus grandes œuvres (L’Interprétation du rêve, Cinq leçons sur la psychanalyse, Le Moi et le Ça, Totem et tabou, etc.). Sa célèbre Société psychologique du mercredi (le premier cercle psychanalytique de l’histoire) se retrouvait ici, dans la salle d’attente du cabinet.
“Je crois que ça n’a aucun sens de rénover quelque chose si elle ne cadre pas avec le contexte actuel”, prévient dans une déclaration à la MAP la directrice du musée Monika Pessler.
Pour réussir cette opération de rénovation, de réorganisation et d’extension du musée, a-t-elle expliqué, trois architectes viennois ont eu la merveilleuse idée de jouer sur l’espace : la superficie du bâtiment, qui couvre désormais environ 550 m2, a presque doublé.
Pour la première fois, toutes les pièces privées de la famille Freud sont accessibles y compris son “premier” cabinet situé au rez-de-chaussée supérieur.
Mieux, le bel étage est entièrement dédié à la recherche. Il abrite la plus grande bibliothèque de psychanalyse d’Europe (plus de 40 000 ouvrages), ainsi que les archives du musée, qui sont équipées d’une nouvelle salle de lecture et de conférences.
L’infrastructure modernisée du musée offre des installations modernes qui incluent un guichet, une boutique du musée et un café dans le hall, alors que les salles de l’entresol, qui composaient le cabinet de Freud, présentent désormais des œuvres d’art, dont des collections d’art conceptuel.
La vie de la famille Freud est reconstituée à l’aide de photographies historiques qui livrent un aperçu de l’utilisation des pièces dont la structure est conservée à l’identique : les planchers, les portes et leurs poignées, le dressing, la cage d’escalier, la vue sur la cour arborée….
Le projet de rénovation et de restauration, qui a coûté environ 4 millions d’euros, a été financé par la ville de Vienne, le gouvernement fédéral, des donateurs privés et la Fondation Sigmund Freud, qui gère également le musée.
Depuis son ouverture en 1971, ce musée regroupe des milliers d’archives, correspondances, lettres et objets d’antiquité, dont Anna Freud, elle-même psychanalyste, a fait don à la Fondation Sigmund Freud.
Résultat : ce petit immeuble paisible et discret accueille, à lui-seul, pas moins de 100 000 visiteurs par an et “le nombre ira sans doute croissant à l’avenir”, assure Mme Pessler.
Pourquoi ? “Freud disait que nul n’est maître en sa demeure. C’est-à-dire qu’il y a tellement d’émotions refoulées dans notre inconscient, dont on ne connaît point comment elles influencent nos décisions”, explique-t-elle.
Sur la contemporanéité de la leçon de Freud, elle a soutenu que le père de la psychanalyse “a toujours été ouvert au vivre-ensemble, très respectueux des autres cultures. On a un long chemin à parcourir pour une vie civilisée avec des peuples différents, issus de divers backgrounds et cultures”.