Les règles de la FIFA et de l’UEFA sur l’autorisation préalable des compétitions de football interclubs, telle que la Super Ligue, violent le droit de l’Union et sont contraires au droit de la concurrence et à la libre prestation de services, tranche la Cour de justice de l’Union européenne.
Les règles de la Fédération internationale de football association (FIFA) et de l’Union des associations européennes de football (UEFA) soumettant à leur autorisation préalable la création de tout projet de nouvelle compétition de football interclubs, telle que la Superleague, et interdisant aux clubs et aux joueurs de participer à celle-ci, sous peine de sanctions, sont illégales, estime la Cour dans un arrêt, rendu jeudi.
Les magistrats de la plus haute juridiction de l’UE expliquent en effet que les pouvoirs de la FIFA et de l’UEFA « ne sont encadrés par aucun critère assurant leur caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné » et que « les règles qui attribuent à la FIFA et à l’UEFA un contrôle exclusif sur l’exploitation commerciale des droits liés à ces compétitions sont de nature à restreindre la concurrence, compte tenu de l’importance de ces dernières pour les médias, les consommateurs et les téléspectateurs dans l’Union ».
A l’origine de cette affaire, douze clubs européens de football ont souhaité mettre en place, par le biais de la société espagnole European Superleague Company, un projet de nouvelle compétition de football : la Super Ligue. La FIFA et l’UEFA se sont opposées à ce projet. La menace de sanctions aux clubs et aux joueurs qui décideraient d’y participer a été brandie. European Superleague Company a saisi le tribunal de commerce de Madrid d’une action contre la FIFA et l’UEFA, car elle estime que leurs règles sur l’autorisation des compétitions et sur l’exploitation des droits médias violent le droit de l’Union. Ayant des doutes à ce sujet au regard, notamment, du fait que la FIFA et l’UEFA se trouvent en situation de monopole sur ce marché, le tribunal espagnol a interrogé la Cour de justice de l’UE.
Dans son arrêt d’aujourd’hui, la Cour constate que l’organisation des compétitions de football interclubs et l’exploitation des droits médias sont, à l’évidence, des activités économiques, et doivent donc respecter les règles de concurrence ainsi que les libertés de circulation, même si l’exercice économique du sport est caractérisé par certaines spécificités, comme l’existence d’associations dotées de pouvoirs de réglementation, de contrôle et de sanction. La Cour constate aussi que, parallèlement à ces pouvoirs, la FIFA et l’UEFA organisent elles-mêmes des compétitions de football.
Ensuite, la Cour juge que, lorsqu’une entreprise en position dominante a le pouvoir de déterminer les conditions dans lesquelles des entreprises potentiellement concurrentes peuvent entrer sur le marché, ce pouvoir doit, compte tenu du risque de conflit d’intérêts qu’il engendre, être assorti de critères propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné. Or, les pouvoirs de la FIFA et de l’UEFA ne sont encadrés par aucun critère de cette nature. La FIFA et l’UEFA se trouvent donc, selon elle, en situation d’abus de position dominante.
De même, leurs règles d’autorisation, de contrôle et de sanction doivent être qualifiées, compte tenu de leur caractère arbitraire, de restriction non justifiée à la libre prestation de services, relève-t-on.
Toutefois, la Cour estime qu’une compétition telle que le projet de Super Ligue ne doit pas pour autant être nécessairement autorisée. En effet, la Cour étant interrogée, de façon générale, sur les règles de la FIFA et de l’UEFA, elle ne prend pas position, dans son arrêt, sur ce projet spécifique.
De façon parallèle, la Cour relève que les règles de la FIFA et de l’UEFA relatives à l’exploitation des droits médias sont de nature à porter préjudice aux clubs européens de football, à l’ensemble des entreprises opérant sur les marchés des médias et, finalement, aux consommateurs et aux téléspectateurs, en les empêchant de profiter de compétitions nouvelles potentiellement innovantes ou intéressantes.
Il appartient toutefois, conclut la Cour de justice de Luxembourg, au tribunal de commerce de Madrid de vérifier si ces règles peuvent néanmoins bénéficier aux différents acteurs du football, par exemple, en assurant une redistribution solidaire des revenus générés par ces droits.