Kénitra –Par : Abdelilah EDGHOUGUI 

 

C’est un sérieux dilemme auquel sont confrontés, depuis fin 2019, les habitants de la ville de Kénitra, et pour cause le transport urbain qui demeure le grand absent dans une ville censée être capitale des investissements dans la région.

Pauvres sont les Kénitris qui se trouvent, cahin caha, actuellement obligés de se débrouiller et prendre des moyens de transport, occasionnels parfois de fortune, pour se livrer à leurs affaires.

Le malheur !

Avec la disparition de la société délégataire ayant assuré le service de transport urbain dans la ville, des minibus toutes catégories et couleurs confondues surgissent de nulle part et commencent à sillonner la ville, et parfois sans respecter les points de ramassage.

Certes c’est une solution provisoire, mais elle a bel et bien duré. Pour certains habitants “c’est bien de trouver un moyen pour se déplacer”, mais pour d’autres “les tarifs sont chers” surtout pour les étudiants.

“D’un seul coup, on est passé de 3.5 dhs à 5 dhs le ticket, ce qui est inacceptable, d’autant plus que certaines lignes ne sont plus desservies”, a déclaré une dame à la MAP, ajoutant qu’elle est contrainte quotidiennement, distance oblige, de prendre le bus pour aller au travail.

Le président de l’Association marocaine de protection et d’orientation du consommateur (AMPC)-Kénitra, Bouazza Kherrati va plus loin dans son analyse de la crise.

“Les bus à Kénitra ont disparu de la circulation depuis belle lurette. En effet, après avoir subi les affres des anciens engins tractés que la commune urbaine autorisait à circuler, au vu et su des autorités, il y a eu disparition totale de tout moyen de transport commun”, a-t-il dit.

“Pour faire face à cette situation de vide abyssale et les conséquences générées, il y a eu apparition par enchantement les minibus qui faisaient fonction,” a-t-il fait savoir, notant que c’est parce que la nature a horreur du vide, ce dernier a été comblé par des sociétés qui normalement assurent le transport du personnel de la zone franche.

 

l’AMPC

Pour M. Kherrati, le citoyen s’est habitué et paie l’attribut des erreurs de gestion par une augmentation du prix du ticket.

“Ces minibus ont l’avantage d’être à l’heure, desservant tout azimut. Mais, ils ne peuvent jamais offrir au consommateur les avantages des bus et plus particulièrement le risque d’accident que présentent les minibus”, enchaîne-t-il.

Le président de l’AMPC de Kénitra relève que la crise se trouve au niveau du conseil communal qui a laissé, pour des raisons obscures, le sort des Kénitris aux mains de sociétés travaillant illégalement dans un secteur réglementé.

A qui la faute ?

Le conseil de la ville et l’ancienne société délégataire se livrent les querelles.

Ainsi, le premier vice-président de la commune de Kénitra, chargé du transport urbain, Rachid Belamkissia avait assuré, dans un entretien à la MAP, que la crise du transport urbain par bus dans la capitale du Gharb sera résolue par voie légale et conformément aux attentes des citoyens.

M. Belamkissia avait pointé du doigt la société de transport pour le non-respect des clauses du contrat avec la commune.

Il a accusé la société de ne pas respecter ni le cahier de charges, ni le cautionnement, ni les lignes, précisant que les lignes étaient différentes à celles convenues et que huit d’entre elles ne fonctionnaient plus. Il a également relevé la détérioration de la flotte au fil du temps.

“Nous les avons, donc, convoqués en premier lieu à Kénitra pour discuter de ce problème, mais ils n’ont pas répondu présents. Nous avons, ensuite, eu recours à l’arbitrage du ministère de l’Intérieur pour demander le respect du contrat, mais la société n’a fait aucune proposition ni réaction à ce sujet, tout en faisant part de sa volonté de mettre fin à ses services dans la ville”, a-t-il expliqué.

Par ailleurs, la compagnie s’est dite prête à s’engager dans un processus de dialogue avec l’ensemble des acteurs concernés, particulièrement les autorités locales compétentes, pour trouver une solution de compromis répondant aux besoins de toutes les parties en termes d’amélioration du service et de continuité du service public.

Or, en abordant les facteurs à l’origine de la crise, la société délégataire a notamment invoqué l’absence d’un climat de travail favorable conformément à l’article 20 de la loi 05-54 sur la gestion déléguée des services publics. Elle a déploré aussi les pertes subies suites aux jets de pierres contre les bus, le phénomène du transport clandestin ainsi que le manque de voies réservées aux autobus.

Se référant aux conclusions d’une étude réalisée par un bureau indépendant en accord avec la commune, la compagnie délégataire a plaidé pour une solution fondée sur une indemnisation financière et la prolongation du contrat jusqu’en 2034.

En attendant la fin de cette crise, ça rogne et ça grogne chez les habitants qui ne supportent plus voir leur ville qui abrite l’une des grandes plateformes industrielles au Maroc, sans bus !.